
Depuis plus de cinq ans, le Général centrafricain Abdoulaye Miskine, leader du Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC), est incarcéré à la maison d’arrêt de Klessoum, à N’Djamena, aux côtés de trois de ses compagnons. Son emprisonnement sans jugement soulève de vives interrogations sur l’indépendance de la justice tchadienne et le respect des normes judiciaires fondamentales.Le témoignage de son fils et une arrestation orchestrée Selon Madingar Miskine, fils du Général, son père se trouvait en République centrafricaine lorsque son ancien ami, Abakar Saboun, lui a annoncé que feu le maréchal Idriss Déby Itno souhaitait le rencontrer afin de finaliser l’accord de Khartoum, signé le 6 février 2019 entre le gouvernement centrafricain et quatorze groupes armés, dont le FDPC.Cependant, cette invitation s’est révélée être un piège soigneusement orchestré.
Entre 2004 et 2005, une plainte avait été déposée contre le Général Miskine alors qu’il était en exil au Togo. Après son retour en République centrafricaine en février 2007, à la suite de l’accord de Syrte, il s’est retrouvé au centre d’un processus judiciaire douteux.Lorsque la justice tchadienne a découvert, lors de sa première audience, que l’accusé n’était pas présent dans le pays au moment des faits allégués, les audiences ont été suspendues.
Puis, une deuxième plainte a soudainement émergé après que le juge d’instruction tchadien Tobaye Bedoumti s’est rendu dans les camps de réfugiés centrafricains de Sarh, Sido et Maro pour trouver de nouveaux plaignants.Sur ordre du maréchal Déby, le général Mahamat Mamadou Aboubakar, alors membre des services de renseignement tchadiens et aujourd’hui conseiller à la présidence, a utilisé Abakar Saboun pour contacter le général Miskine. Ce dernier, accompagné de ses trois compagnons, a traversé la frontière tchadienne avant d’être immédiatement arrêté et informé des accusations portées contre lui.
Une confrontation judiciaire révélatrice
Les autorités tchadiennes ont envoyé une mission spéciale dirigée par le juge d’instruction tchadien Tobaye Bedoumti afin de retrouver des plaignants à plus de 1000 km, les incitant à témoigner contre le Général Miskine et ses compagnons. Toutefois, lors de la séance d’identification, les victimes appelées à reconnaître le Général Miskine parmi un groupe de dix personnes ont désigné un autre individu, mettant en doute la crédibilité des accusations portées contre lui.
Privation de soins médicaux et grève de la faim
Le 15 mai 2025, le Général Miskine a entamé une grève de la faim pour dénoncer ses conditions de détention et exiger un procès équitable. Cette protestation faisait suite à la confiscation de ses médicaments par les autorités pénitentiaires, privant ainsi le détenu des soins essentiels pour traiter son hypertension, son insuffisance rénale et ses troubles de la vision.Son avocat, Me Benjamin Mamgodibaye, qualifie cette privation de « mise en danger délibérée », une violation flagrante des droits humains. Malgré une détérioration de son état de santé, il dépend du soutien de ses proches pour accéder aux soins nécessaires.Dans la soirée du 15 mai, il a finalement reçu une partie de ses médicaments, mais certains traitements essentiels manquaient.
Après une journée de grève, il a mis fin à son mouvement.Un silence inquiétant des autorités et des défenseurs des droits humains Malgré les appels répétés des avocats du Général Miskine, les autorités tchadiennes demeurent silencieuses, nourrissant ainsi l’idée d’un acharnement politique plutôt qu’une quête de justice impartiale.De plus, les organisations internationales de défense des droits humains n’ont pas pris position sur cette affaire, malgré les violations évidentes : détention prolongée arbitraire, absence de preuves solides et incohérences judiciaires. Ce silence contribue à banaliser des pratiques dangereuses et renforce la perception d’une justice politisée.
Une exigence de justice et de transparence
L’affaire du Général Abdoulaye Miskine soulève des questions essentielles sur le traitement des opposants politiques et la manipulation des procédures judiciaires. La communauté internationale doit réagir pour exiger un procès équitable, conforme aux normes légales et aux droits fondamentaux.Sans intervention rapide, cette détention prolongée sans jugement risque de devenir un précédent inquiétant, non seulement au Tchad et en République centrafricaine, mais dans toute la région. La justice doit rester impartiale et garantir les droits fondamentaux de chaque individu.
Par Djasnan Alfred C.