
Au Tchad, la circoncision masculine est bien plus qu’un simple acte médical. Elle représente un rite de passage crucial, un symbole de virilité et d’acceptation sociale. Ceux qui ne passent pas par cette pratique sont qualifiés de « Zoumboulou » ( non circoncis), un terme en langue locale chargé de connotations péjoratives, souvent synonyme d’exclusion et de moquerie.
Dans plusieurs communautés, un homme non circoncis est perçu comme incomplet, immature, voire incapable d’assurer son rôle conjugal. »Un garçon doit être circoncis pour être un vrai homme, et vivre toutes les étapes liées à cette phase. A notre époque, on était caserné hors du village, après que les bouts de nos « bangala » (les prépuces ) étaient coupés sans produit de l’hôpital, on devrait supporter pour démontrer notre valeur de garçon « , affirme Abdallah Zlamngolo, aujourd’hui âgé de 81 ans .
La croyance semble, si profondément ancrée que la pression commence dès l’enfance. Il est vrai, car le poids de cette norme est ressenti dans tous les aspects de la vie quotidienne.
Dans les discussions entre amis, sur les bancs de l’école ou même dans les lieux de travail, être identifié comme « Zoumboulou » expose à des moqueries. « Les enfants non circoncis sont souvent la cible de railleries dans la cour de récréation, surtout quand ils reviennent de toilettes après avoir uriné avec leurs camarades de même sexe « , témoigne Prosper DJETOIDE, instituteur d’une école primaire du 7e arrondissement.
Une stigmatisation qui semble ne pas s’arrêter aux cercles masculins. En effet, de nombreuses femmes tchadiennes partagent également cette perception, a l’exemple de Zenaba A. (le nom est modifié): « Je ne peux pas imaginer être avec un homme non circoncis. Zoumboulou c’est moche et pas beau à voir… », confie-t-elle.
Pour beaucoup, la circoncision est associée à l’hygiène et à la performance sexuelle, des arguments souvent avancés pour justifier cette préférence.Si la pratique reste largement acceptée, certains commencent à questionner cette norme. Des voix s’élèvent, notamment chez les jeunes générations, pour défendre la liberté de choix et dénoncer les discriminations. « La virilité ne se mesure pas à une opération », souligne Mbaigolmem, sociologue de formation.
A noter que, la circoncision, bien que recommandée pour des raisons médicales et d’hygiène, dans certaines conditions, ne devrait pas être une obligation sociale pesante.Mais en attendant, au Tchad, être « Zoumboulou » reste un défi quotidien pour ceux qui n’entrent pas dans le moule des traditions établies.
O. Tangue